La montagne n’est pas l’un des sujets préférés des inventeurs et des éditeurs de jeux de société, et il semble que les auteurs aient presque toujours rencontré une certaine difficulté à l’aborder. Le plateau de jeu possède une longueur et une largeur déterminées, mais pas de hauteur ; les pions évoluent en avant et en arrière, de côté ou en diagonale, mais rarement vers le haut ou le bas. Par conséquent, le jeu de table est en net contraste avec l’ascension. Les monts s’érigent toujours par devant nous. Ils sont hauts, raides, rudes et souvent insurmontables. Pour les dominer, il est nécessaire de les escalader, mais comment transposer l’ascension d’une montagne de manière appropriée sur un plateau de jeu horizontal?

Au début, nous avons les jeux de voyage où les montagnes sont irrémédiablement aplanies. Ce sont souvent des jeux de parcours qui imposent une route déterminée avec un départ et une arrivée. Dans un second temps, les plateaux de jeu incluent des cartes géographiques où la hauteur des chaînes montagneuses est déduite soit du numéro des courbes de niveau soit de la couleur. Les premières escalades des géants des Alpes, qui ont fait de nombreuses victimes, amènent à la création de jeux où le graphisme souligne la difficulté de transmettre l’aspect ludique du jeu face aux pièges de l’escalade de la montagne. Mais les jeux reflètent aussi la conquête de l’altitude avec l’aide de la technique : malles-poste, puis trains, routes, téléphériques et, finalement, avions. Mais pas seulement : à la fin du 19e siècle, s’ouvre une nouvelle phase durant laquelle les explorations occupent une place centrale, des voyages de Stanley en Afrique aux expéditions de Nansen au Pôle Nord et au survol du Pôle Sud par Byrd, sans oublier les chercheurs d’or du Klondike. Avec la conquête de l’Everest, on cherche à transposer dans le jeu le trait dominant des montagnes, la verticalité. Le jeu tridimensionnel voit le jour.